Vatican : Révolte contre François

Julius Müller-Meiningen
Die Zeit, le 10 septembre 2015.
Traduction par Isabelle 

* * *

Des prélats de haut rang du Vatican se révoltent contre la récente décision du pape sur l’annulation du mariage. Ils lui reprochent d’abandonner un dogme essentiel.

Pour eux, la coupe est pleine. Dans trois semaines, les évêques catholiques du monde entier vont se réunir au Vatican, pour débattre de la marche à suivre par l’Eglise. A Rome, les pères synodaux vont trouver un appareil qui a définitivement déclaré la guerre au pape. Dans les enceintes sacrées de la Curie circule un dossier, qu’on peut lire dans « Christ und Welt », supplément au journal Die Zeit ; on y recense systématiquement les supposés péchés du pape. « François a laissé tomber le masque » dit un haut prélat du Vatican.

Le dernier texte promulgué par le pape argentin, âgé aujourd’hui de 78 ans, a mis le feu aux poudres de ce que l’on peut assurément définir comme le prodrome d’une résistance organisée contre François. En publiant mardi dernier un document qui permet, plus facilement et plus rapidement, une annulation du mariage religieux, le pape a placé l’Eglise devant le fait accompli. Mitis Iudex Dominus, ainsi s’intitule cet édit, c’est à dire « le Seigneur, juge clément ». Mais de cette clémence, que François veut offrir aux croyants en conflit avec les règles de l’Eglise, la curie ne veut pas entendre parler. Beaucoup de Monsignori, qui sont nominalement aux commandes de l’Eglise universelle, sont hors d’eux-mêmes.

On le voit dans un dossier au langage cinglant qui circule ces jours-ci dans les bureaux les plus importants du Vatican, au nombre desquels il faut compter aussi la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et la Secrétairie d’Etat. Le motu proprio sur l’allègement de la déclaration de nullité du mariage y est épluché juridiquement, dans ses moindres détails. On y reproche principalement au pape d’avoir contourné les congrégations compétentes dans une matière aussi essentielle pour l’Eglise et d’avoir de facto introduit « le divorce catholique ». Le document, qui compte plusieurs pages, parle d’une « évolution inquiétante » où la procédure législative régulière dans l’Eglise universelle est réduite à néant. La plupart des fusibles dans le processus d’annulation du mariage se trouvent délibérément « court-circuités ».

« Aucune des étapes prévues dans la procédure législative n’a été retenue », lit-on dans le texte. Ni les conférences épiscopales, ni les congrégations et conseils compétents, ni la Signature apostolique n’ont été impliqués. « Du simple point de vue formel déjà, il y a de graves lacunes ». On fait aussi remarquer que, lors du dernier synode des évêques, il n’y a eu « aucun accord unanime » sur la manière d’agir décidée aujourd’hui par le pape à propos de l’annulation du mariage. « Le procédé retenu est aux antipodes de la synodalité tant invoquée et de la discussion franche et ouverte ».

La signification du mariage, en particulier le traitement réservé aux conjoints, divorcés et engagés dans un nouveau mariage civil, est l’épicentre des débats sur les orientations futures de l’Eglise. L’indissolubilité du mariage est le dogme auquel se cramponnent les ecclésiastiques conservateurs. Le « divorce à la catholique », rendu possible par le pape, représente la catastrophe majeure pour les gardiens de la doctrine comme le préfet allemand de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Gerhard Ludwig Müller. L’acte informel d’accusation contre François se trouve aussi sur sa table. Müller et ses nombreux alliés dans la curie craignent que tout l’édifice ne s’écroule dès lors que l’on supprime un de ses fondements. A leurs yeux, il y va de rien moins que de la survie de la véritable Eglise catholique.

Alors que les dispositions qui avaient cours jusqu’ici privilégiaient le souci de maintenir le mariage catholique, différents mécanismes juridiques qui poursuivaient ce but, ont été -- c’est la conviction des critiques du pape -- intentionnellement supprimés. « Le nouveau texte ne dit rien sur des moyens pastoraux ou juridiques pour sauver ou rendre valide le mariage ; cette absence donne à penser », peut-on lire dans le document. En somme, l’évolution serait « dangereuse ».

Et les auteurs de poursuivre : « On ne peut se défaire de l’impression qu’il ne s’agit plus ici de constater la vérité en rapport avec un lien matrimonial concret mais de déclarer nuls le plus grand nombre possible de mariages ». Cela veut dire concrètement : le dogme de l’indissolubilité, que François cite expressément, à deux reprises, dans l’introduction du motu proprio, est en réalité, selon le rédacteur du document, vidé de son sens.« C’est l’heure pour nous d’ouvrir la bouche », réclame sur un ton rebelle un haut prélat de la curie.

En particulier, l’introduction d’une procédure accélérée d’une durée de 30 jours seulement, sous l’autorité de l’évêque, pour la déclaration de nullité du mariage indispose beaucoup les critiques du pape. Dans le dossier, on peut lire que cette procédure « recèle le danger d’ouvrir la voie au divorce catholique ». Beaucoup parmi les 3600 évêques diocésains répartis sur le globe seraient tout à fait dépassés par cette nouvelle tâche. « En plus, la question se pose de savoir combien d’évêques dans le monde seront capables de faire une évaluation qui leur permette d’arriver à la certitude morale requise ».

D’après les critiques de François, beaucoup de problèmes théologiques controversés ont été ignorés. Ainsi, on trouve dans le document pontifical plusieurs raisons extrêmement confuses qui peuvent justifier le recours à une procédure accélérée, comme « le manque de foi » ou encore d’autres motifs qui demeurent indéterminés. Il serait « très inquiétant » que le consentement du couple suffise pour introduire une procédure abrégée. Selon les nouvelles normes, cette procédure est même prévue lorsque l’un des partenaires ne réagit pas à la deuxième interpellation. « Qu’un texte juridique laisse ouvert, par un ‘etc.’ placé en fin de phrase, un large éventail de possibilités est vraisemblablement inédit en législation », fait observer non sans piquant le dossier.

Si l’on devait en venir, comme le redoutent les adversaires du pape, à un flot de déclarations de nullité, le problème de l’accès aux sacrements des divorcés remariés, qui agite l’Eglise depuis longtemps, serait pratiquement évacué. Ils peuvent désormais sans problème sortir de leur mariage catholique, contracté en fait pour l’éternité. Par décret pontifical.

Le synode, qui commence ce 4 octobre, risque maintenant de se réduire à un club de débatteurs refermé sur lui-même. Le pape, à ce qu’on dit, décide de toute manière selon son bon plaisir. Il ne s’est pas tenu à la manière régulière de légiférer, lit-on encore dans les sept pages du document. Les conférences épiscopales comme toutes les administrations curiales, et jusqu’aux services juridiques du Vatican, ont été contournées.

Une commission constituée par le pape, contrainte au silence, a rédigé un projet de loi dans le plus grand secret. Sans cela, elle aurait sans doute été cassée et contrée par l’appareil de la curie. Bien que, lors du synode de l’automne dernier, de vives protestations se soient élevées contre l’idée d’introduire une procédure éclair de constatation de la nullité d’un mariage sous l’autorité de l’évêque, c’est maintenant d’ores et déjà une loi d’Eglise -- avant même que le synode ait pu reprendre l’examen de ce thème.

Le pape veut-il imposer à toute force le chemin qu’il a tracé depuis longtemps ? Dans les cénacles les plus importants de la curie, les doutes sont depuis longtemps devenus une certitude. 
Mais beaucoup de croyants jubileront.

http://benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/du-rififi-au-vatican.html

http://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2015-09/papst-vatikan-aufstand

Comments

[Pierre]

Bien sûr, il peut déraper. Ce n'est pas pour rien qu'à chaque messe dite dans le monde, on prie à son intention. Mais... plus fort que toutes mes espérances, le chaos est là, partout dans le monde, et je ne vois pas du tout comment l'Homme peut redresser la barre. Il faut donc que le combat spirituel se poursuive (et s'achève avant que nous perdions nos forces !).

[Bastiano18]

Absolument Pierre , et je pose aussi une question ouverte :

Le Pape François, pourquoi se laisserait il emmener sur des terrains qui n'ont rien à voir, volontairement , et faire le jeu des enfants du malin ?

Car enfin ce que nous voyions , à Rome on le sait mieux que nous encore et pour cause ..Tout est préparé, bien avant que l'on se rende compte de la manœuvre.

[Pierre]

Préambule : je ne me prononce pas en faveur de l'allégement de la nullité du mariage. Ceci dit, il m'importerait de savoir qui exactement a intérêt à fragiliser le Pape François. Je m'explique. Dès les débuts de son pontificat, il s'est attaqué à certains comportements déviants au sein de la Curie : nombreux jeux de pouvoir, comportements sexuels désordonnés et rapport à l'argent anti-évangélique. Il y a déjà plus d'un an, je m'étais dit qu'il y avait un prix à payer à avoir remué les eaux troubles. Y a-t-il un rapport entre ces faits passés et l'action de ce jour ? Je n'en sais rien, et je laisse la question ouverte. Avec comme arrière-pensée qu'au sein de la Curie, il y a pas mal de personnes dont le coeur n'est pas droit, d'autres qui sont tièdes et doivent choisir, et ceux qui restent complètement attachés aux Coeurs de Marie et de Jésus.

[Bastiano18]

Bonjour

Il me semble que vous ne voyez pas , quand je lis vos propos, que ce sont des Cardinaux, qui, me semble t-i,l connaissent la doctrine de Jésus Christ sur l’indissolubilité du mariage mieux que nous qui s'expriment ...Auraient ils tort, et vous ( je veux dire votre réflexion) raison ?

Vous parlez de fardeau pour les divorcés remariés? Pourtant il existe de quoi les alléger : Vivre en frère et soeur , une fois qu'ils se rendent compte que leur situation offense le Seigneur et va contre son commandement ...ah me direz vous pas possible de vivre comme cela ! Trop dur , la Continence ...

Le beurre et l'argent du beurre quoi ... Mais c'est la solution que beaucoup de Catholiques ont vécu sans en mourir et ainsi sauver leur Âme ...Et j'en connais qui se portent très bien Car la Grâce les accompagne , tandis que dans l'autre cas ils sont poursuivis et tristes ... beaucoup sont blessés dès l'enfance ou l'adolescence , et ce, depuis des siècles vous le savez aussi ça n'est pas un argument pour qui cherche Dieu plutôt que son bien être sur terre en essayent de concilier les deux.



Vous vous placez dans ce que vous dites dans l'eschatologie certes, mais dans l'immédiat il faut appeler a vivre l'évangile et les lois de l'Eglise tel que Jésus le demande ...le pouvoir des clés dont vous parlez appartient au Pape oui, mais cette année de la miséricorde, certains dans l'Eglise, qui sont encore vivants et non agonisants pensent que c'est l'arbre qui cache la forêt ...

Les endurcis ? Marie va s'en occuper et ils reviendront dans le giron tel que l’Évangile le demande , pas en s'adaptant , en enlevant toute la force comme le veulent les progressistes à l’écoute du monde ... Ne vous y trompez pas ce qui est en jeu là , c'est l'application totale de Vatican II : le fameux Aggiornamento ...L'adaptation aux désirs et caprices du monde, et de ces droits de l'homme ...

Dieu aussi à des droits

Et Sainte Jeanne d'Arc disait : Dieu premier servi !

On en est loin ... Dieu ne change pas ...

[Philippe B.]

Plusieurs points sont à prendre en compte avant de s'enflammer :



- Jésus a donné la possibilité à ses apôtres de lier ou délier ce qui se trouve à la fois sur terre et par conséquence au Ciel. Le Pape est donc en principe en droit d'alléger le fardeau de certains divorcés remariés et autres âmes en état de péché mortel. De plus il ne s'agit que de faciliter les démarches administratives liées à l'annulation il me semble, non d'encourager les divorces même si sur le long terme c'est en effet le risque encouru. Mais il n'y aura pas de long terme à ce niveau... lire a suite :



- Ce que je constate de plus en plus c'est que le Pape François a conscience d'une urgence, un peu comme dans une catastrophe imminente, où les confessions de groupes / collectives sont exceptionnellement autorisées. D'où la possibilité pour les prêtres pendant l'année de la Miséricorde d'absoudre les péchés qui jusqu'ici ne pouvaient être absous que par les évêques et le Pape.



- Jésus disait que le divorce permis par la loi de Moïse était dû à la dureté du coeur des hommes mais qu'à l'origine ce que Dieu a uni ne peut être désuni. Aujourd'hui on ne peut que reconnaître que le monde a le coeur encore plus dur que du temps de Moïse et l'enseignement de l'Eglise ne passe plus. On ne peut modifier la doctrine mais !! dans le cas d'un danger imminent (mort de millions d'âmes) il est préférable de délier et d'alléger le fardeau de ces âmes pour leur permettre de se confesser (les divorcés remariés ne peuvent se confesser d'aucun péché ! Je ne sais pas vous, mais par compassion je ne peux leur envier cela !) avant qu'elles ne se présentent devant leur Créateur. Cela est préférable que de voir des millions d'âmes périr !



- Encore une fois je parle dans le contexte d'un danger imminent pour l'humanité tout entière, dont le Pape François a de façon évidente conscience. Ce genre d'allègement et de facilité de confession ne pourra être que de courte durée (horizon 2017) car ils ne sont pas en accord avec la volonté de Dieu c'est évident ("Dieu avait d'autres projets" disait la Bienheureuse A.C. Emmerich en parlant de l'Eglise qui se protestantiserait), mais si le salut de millions d'ames au coeur endurci est en jeu, par compassion et miséricorde le Pape peut délier le poids de leurs fautes, comme le Christ le lui a donné le pouvoir.



La pire des choses serait de ne plus suivre ni faire confiance au Saint Père, ou de condamner les pécheurs ce que Jésus n'a jamais fait, il n'a fait que constater la dureté de coeur des hommes sans jamais les condamner, ce que font beaucoup de catholiques (eux même avec un coeur très endurci) aujourd'hui en s'accrochant plus à la doctrine (que je défends moi même en temps ordinaires) qu'au salut de l'âme de leurs frères par compassion. Jésus a bien raison quand il dit que les premiers (ceux qui se croient déjà saints) seront les derniers, car beaucoup verront que les pécheurs pardonnés, de par la reconnaissance et l'amour qu'ils auront envers leur Sauveur, passeront avant ceux qui se savaient déjà dans le camps des sauvés et pointaient du doigt et condamnaient ceux qui ne l'étaient pas encore.



Dans tout ce qui arrive je vois donc un schisme à la fois de la part des progressistes que de ceux qui veulent préserver la doctrine du Christ. Quelque part les 2 camps ont raison, mais ils sont tous les 2 dans une extrême : l'absence de justice dans le premier camp en misant tout sur la Miséricorde coupée de la Vérité ; et dans le second camps en misant tout sur la Justice quitte à condamner le pécheur qui du fait de la dureté de son coeur mais aussi de sa propre histoire et de blessures parfois très profondes que seul Dieu connait, ne parvient pas (malgré sa volonté) à changer de vie et donc se voit coupé du Pardon de Dieu.



Voila donc mon avis. Tout cela ne durera pas au delà de 2017 selon moi, ensuite viendra malheureusement la catastrophe pressentie par de nombreuses âmes et faisant l'objet de nombreuses prophéties. Le Pape a lui même conscience de ce danger et c'est la raison de tout ce qu'il entreprend actuellement. Comme prophétisé par Saint Malachie, Rome sera sans doute détruit, l'Antéchrist qui doit venir je pense d'ici 2017 le sera également et viendra ensuite le temps de paix et le renouveau de l'Eglise, où Dieu sera dans tous les coeurs et où "il sera leur Dieu et eux seront son peuple" comme le disent les écriture. Le Règne du Christ est imminent, pas physiquement mais dans les coeurs. Cela doit hélas passer par ce que nous vivons aujourd'hui, et que le Pape François appelait une Eglise blessée... une Eglise agonisante, en état de Kénose. Mais cette Eglise ressuscitera ensuite avec le Christ, telle est notre Espérance.