Comment expliquer ces tensions entre le pape et son gouvernement ?
On savait qu’il y avait des tensions dans la curie romaine, mais le discours du 22 décembre dernier les met sous un jour nouveau. Ces tensions sont en partie dues au fait que plusieurs responsables de dicastères – l’équivalent des ministères, en quelque sorte - ne sont toujours pas définitivement confirmés dans leurs fonctions (et cela bientôt près de deux ans après l’élection de François), mais aussi que la réforme de la curie romaine en cours n’aboutit pas. Alors qu’on pensait que le pape aurait réformé l’appareil de gouvernement de l’Eglise d’ici février, il a annoncé avant Noël qu’il ne fallait s’attendre à rien avant 2016 ! Cela a pu décourager pas mal de monde.
Le très sévère discours du pape laisse donc entrevoir que ces tensions sont fortes mais aussi qu’il ne supporte plus le double jeu de certains responsables dans la curie. Beaucoup pensent qu’une telle franchise ne puisse pas être suivie d’effets, avec des départs volontaires ou forcés dans les semaines qui viennent. Mais le pape devra se méfier du revers de la médaille, car après avoir fait publiquement la leçon aux évêques et cardinaux de la curie, nul ne l’épargnera désormais s’il trébuche.
Comment s’organise la répartition des pouvoirs entre le pape et la curie ?
Le pape, par définition, est souverain. Maintenant, il est de tradition que chacun des dicastères (les congrégations et les conseils pontificaux) travaille de son côté et soumet, lorsque c’est nécessaire, au pape. Mais il est des congrégations – pour la doctrine de la foi, le clergé ou les évêques, par exemple - qui ne peuvent prendre de décisions importantes sans l’aval du pape.
Il a également dénoncé l’action du groupe Etat islamique. Quelle est la portée politique de ce genre de déclarations ?
Le pape n’a jamais nommé le groupe Etat islamique dans ses appels ou ses discours. Il parle le plus fréquemment de persécutions « inhumaines » et violentes. En Turquie, fin novembre, il a cependant assuré devant le responsable des Affaires religieuses, dans ce pays musulman à 98%, que ces violences étaient causées par « un groupe extrémiste et fondamentaliste ». On ne pouvait pas être moins clair !
Il semble difficile, depuis Rome, de préciser la portée des propos du pape dans le monde musulman. Ce qui semble clair, en revanche, c’est qu’il a tenu à faire la distinction entre le fondamentalisme et le véritable islam. Dans l’avion qui le ramenait de Turquie, il y a un mois, il a dit combien le Coran était, à ses yeux, un livre de paix. Dans le même temps, il a demandé une condamnation claire du terrorisme par « tous les leaders musulmans - qu’ils soient responsables politiques, religieux ou universitaires ».